Notions Essentielles
Avant d'étudier le Dharma voire même avant de rencontrer un maître, il est préférable de connaître les notions essentielles qui constituent la vue bouddhique, même si ce n'est qu'au contact d'un maître réalisé et de la pratique que ces notions prennent réellement leur sens.
Je vous conseille le "dictionnaire encyclopédique du bouddhisme" réalisé par Philippe Cornu et collectif, aux éditions Seuil, qui est déjà très complet présentant les différentes voies et écoles et traditions de l'Inde, à l'Asie du Sud Est Théravada, à la Chine et au Tibet, au Népal, au Sikhim, à la Corée et au Vietnam jusqu'au Japon.
Il y a aussi selon cet autre présentation "Le Grand Livre du Bouddhisme" d'Alain Grosrey aux éditions Albin Michel.
La plupart des ouvrages sérieux comportent également un lexique, un index ou des notes permettant accéder directement aux notions abordées et aux termes utilisés.
Ces notions ne sont pas à aborder selon une démarche ou motivation intellectuelle, mais il nous faut les réaliser et la plupart du temps on ne les comprend authentiquement et les réalise réellement suite à l'introduction spécifique du Maître qu'au terme de notre pratique suivie de notre propre expérience.
De nombreux autres sites donnent également des définitions ou explications de notions selon la vue bouddhique, il est possible aussi de les voir présentés dans les liens indiqués dans les rubriques Dharma et Sangha.
Si vous ne trouvez pas ce que vous cherchez, je vous propose de posez vos questions pour effectuer une recherche commune. Car il n'y a pas de hasard (mais seulement la somme de nos ignorances). Aussi, si vous lisez ces lignes vous m'apportez sans doute en retour un enseignement que j'ignorais jusqu'à ce jour, sur lequel il est peut-être essentiel que je devienne attentive.
Vous pouvez posez vos questions en "commentaire".
Merci pour votre contribution à cette rubrique
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Le Noble Chemin Octuple :
Ayant réalisé la réalité de la souffrance (= de l'insupportable), la réalité de l'origine de la souffrance (la dénaturation de l'esprit d'éveil), la réalité de la cessation de la souffrance (déjouer les illusions fabriquées par l'esprit dénaturé), l’Éveillé nous a indiqué pour l'avoir parcouru lui-même la quatrième noble vérité qui est le moyen pour sortir de la souffrance.
C'est un chemin octuple.En effet, les huit composantes de cette guérison de l'esprit dénaturé, bien qu'il n'y ait pas d'ordre (tout étant interdépendant), peut être présentée de la manière suivante :
Apprentissage et pratique de la sagesse :
1. On s'entraîne à la vue juste
2. On s'entraîne à la motivation ou pensée juste
Apprentissage et pratique de l'éthique :
3. On s'entraîne à la parole juste
4. On s'entraîne à l'action juste
5. On s'entraîne au mode de vie et moyen d'existence juste
Apprentissage et pratique de la méditation :
6. On s'entraîne à l'effort juste
7. On s'entraîne à l'attention juste
8. On s'entraîne à la concentration juste
Donc pour vivre juste il est nécessaire de passer par là et de réaliser l'ensemble de ces huit qualités indissociables que l'esprit ordinaire a besoin d'analyser et de schématiser d'une façon ou d'une autre, que Thich Nhat Hanh nous représente par ce Schéma :
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Lodjong :
C'est l’entraînement de l'esprit, d'après le dictionnaire de Philippe Cornu :
(tib : blo-sbyong) Dans le mahayana, ce therme désigne l'ensemble des techniques méditatives et des conseils de comportement visant à entrainer l'esprit à la compassion. Au Tibet, la plupart de ces pratiques ont été introduites par Atisha (980-1054) et ses disciples de l'école Kadampa. Lui-même en avait reçu la transmission de Serlingpa lors de son séjour en Indonésie.
Parmi les maîtres lodjong les plus connus, citons Guéshé Langri Thangpa, auteur des séances du Blo-sbyong tshig-brgyad-ma, et Guéshé Tchekawa (1102-1176),
l'auteur du Blo-byong don-bdun-ma, "les sept points de l'entraînement de l'esprit". De l'école Kadampa, cet enseignement passa ensuite aux pratiquants de l'école Kagyupa par Gambopa, puis à l'école Gueloupa, ainsi qu'aux écoles
Sakyapa, Nyingmapa et Bönpo.
==> voir Atisha, Kadampa, "sept points de
l'entraînement de l'esprit" Tchékawa Yéshé Dordjé.
Les "Sept points de l'entraînement de l'esprit" (tib : Theg-pa chen-po blo-byong don-bdun-ma) sont des instructions pratiques sur l'entraînement à la bodhicitta relative et absolue. Ce texte présente 7 chapitres émaillés de
slogans faciles à retenir tels que "considérez tous les phénomènes comme des rêves", "ne vous tenez pas en embuscade", "ne vous attardez pas sur les défaux d'autrui", etc les 7 points abordés sont :
1. 1) Les préliminaires (tib: Sngon-'gro) Ngöndro, qui comprenne les quatre pensées de renoncement (4 nobles vérités) et la méditation.
2. 2) La pratique principale des deux bodhicitta (relative et absolue)
3. 3) Transformer les circonstances adverses en voies vers l'éveil (tib : Lam-
khyer)
4. 4) Intégrer la pratique à la vie quotidienne
5. 5) Evaluer l'efficacité de l'entraînement de l'esprit
6. 6) Les disciplines de l'entraînement de l'esprit
7. 7) Les préceptes de conduite
On trouve dans ce texte et ses commentaires l'importante pratique de Tonglen (tib : gtong-len) "donner recevoir". Parmis les nombreux commentaires d'auteurs tibétains, citons delui du maître rimé Jamgön Kontrül Lodrö Thaye (1813-1899), le Byang-chub gzhung-lam.
==> lire Chögyam Trungpa "l'entrainement de l'esprit" édtion du Seuil, collection point sagesses (Sa 129) paris 1998 ; Jamgoen Kontrul "L'alchimie de la Souffrance", Yiga Tcheu Dzinn (Marpa éditions) et Dilgo Khyentse Rinpoché "Audace et Compassion" Padmakara éditions, Saint-Léon sur Vézère 1994.
(tib : blo-sbyong) Dans le mahayana, ce therme désigne l'ensemble des techniques méditatives et des conseils de comportement visant à entrainer l'esprit à la compassion. Au Tibet, la plupart de ces pratiques ont été introduites par Atisha (980-1054) et ses disciples de l'école Kadampa. Lui-même en avait reçu la transmission de Serlingpa lors de son séjour en Indonésie.
Parmi les maîtres lodjong les plus connus, citons Guéshé Langri Thangpa, auteur des séances du Blo-sbyong tshig-brgyad-ma, et Guéshé Tchekawa (1102-1176),
l'auteur du Blo-byong don-bdun-ma, "les sept points de l'entraînement de l'esprit". De l'école Kadampa, cet enseignement passa ensuite aux pratiquants de l'école Kagyupa par Gambopa, puis à l'école Gueloupa, ainsi qu'aux écoles
Sakyapa, Nyingmapa et Bönpo.
==> voir Atisha, Kadampa, "sept points de
l'entraînement de l'esprit" Tchékawa Yéshé Dordjé.
Les "Sept points de l'entraînement de l'esprit" (tib : Theg-pa chen-po blo-byong don-bdun-ma) sont des instructions pratiques sur l'entraînement à la bodhicitta relative et absolue. Ce texte présente 7 chapitres émaillés de
slogans faciles à retenir tels que "considérez tous les phénomènes comme des rêves", "ne vous tenez pas en embuscade", "ne vous attardez pas sur les défaux d'autrui", etc les 7 points abordés sont :
1. 1) Les préliminaires (tib: Sngon-'gro) Ngöndro, qui comprenne les quatre pensées de renoncement (4 nobles vérités) et la méditation.
2. 2) La pratique principale des deux bodhicitta (relative et absolue)
3. 3) Transformer les circonstances adverses en voies vers l'éveil (tib : Lam-
khyer)
4. 4) Intégrer la pratique à la vie quotidienne
5. 5) Evaluer l'efficacité de l'entraînement de l'esprit
6. 6) Les disciplines de l'entraînement de l'esprit
7. 7) Les préceptes de conduite
On trouve dans ce texte et ses commentaires l'importante pratique de Tonglen (tib : gtong-len) "donner recevoir". Parmis les nombreux commentaires d'auteurs tibétains, citons delui du maître rimé Jamgön Kontrül Lodrö Thaye (1813-1899), le Byang-chub gzhung-lam.
==> lire Chögyam Trungpa "l'entrainement de l'esprit" édtion du Seuil, collection point sagesses (Sa 129) paris 1998 ; Jamgoen Kontrul "L'alchimie de la Souffrance", Yiga Tcheu Dzinn (Marpa éditions) et Dilgo Khyentse Rinpoché "Audace et Compassion" Padmakara éditions, Saint-Léon sur Vézère 1994.
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Yanas :
Il existe trois façons de considérer ces véhicules (ou cheminements spirituels) proposés par le Bouddha :
1. 1 - Les trois véhicules selon le Hinayana (système du soutrayana) et le Mahayana (motivation du Bodhisattva) ;
2. 2 - les classifications d'après le Vajrayana (véhicules de la cause et véhicules du fruit) ;
3. 3 - la classification Nyingmapa en 9 véhicules (3 de la cause ou des caractéristiques + 6 du fruit dont les 3 tantras externes ou inférieurs et les 3 tantras internes ou supérieurs) la place de l'Atiyoga (9ème véhicule ou Dzogchen, grande perfection) est particulière car ce n'est pas un véhicule tantrique, mais il est considéré comme fruit ultime et véhicule qui récapitule en lui-même les différentes voies proposées.
1. 1 - Les trois véhicules selon le Hinayana (système du soutrayana) et le Mahayana (motivation du Bodhisattva) ;
2. 2 - les classifications d'après le Vajrayana (véhicules de la cause et véhicules du fruit) ;
3. 3 - la classification Nyingmapa en 9 véhicules (3 de la cause ou des caractéristiques + 6 du fruit dont les 3 tantras externes ou inférieurs et les 3 tantras internes ou supérieurs) la place de l'Atiyoga (9ème véhicule ou Dzogchen, grande perfection) est particulière car ce n'est pas un véhicule tantrique, mais il est considéré comme fruit ultime et véhicule qui récapitule en lui-même les différentes voies proposées.
Un peu plus en détail, mais en synthétisant :
Le Hinayana ou premier véhicule encore dit petit véhicule ou véhicule de base est une voie d'éthique passant essentiellement par le renoncement aux négativités et à la souffrance, au niveau de la motivation spirituelle c'est une voie de libération individuelle. C'est le véhicule des soutras (soutrayana), principalement basé sur la réalisation des quatre nobles vérités ==> état d'arhat (avec ou sans restes).
Le Mahayana ou second véhicule, encore dit grand véhicule ou véhicule des bodhisattvas, est une voie graduelle de compassion, au niveau de la motivation c'est donc une voie d'engagement à la libération de tous les êtres sensibles. Le mahayana passe par le soutrayana (enseignement et étude) et le mantrayana (pour asseoir la méditation via des pratiques rituelles) comme moyens habiles, donc principalement basé sur l'entraînement et la réalisation de la précieuse Bodhicitta (relative et absolue).
Le Vajrayana ou troisième véhicule, encore dit véhicule suprême ou véhicule du Diamant (cœur inébranlable) ou Adamantin, est une voie moins graduelle (mais cela dépend de notre niveau de conscience) de transformation (exemple du paon, moyens habiles des antidotes) car on transforme des khleshas (conditionnements négatifs) en paramitas (vertus), au niveau de la motivation c'est une voie d'engagement à la libération individuelle en trois vies pour la libération de tous les êtres sans exception. Le vajrayana repose sur le tantrayana (3 tantras extérieurs + 3 tantras intérieurs) et le mantrayana secret, comme outils ou moyens habiles très efficaces et puissants dans cette motivation altruiste. Il est principalement basé sur la Vue pure, soit réalisation de la nature de l'Esprit d'Éveil (base = chemin = fruit), comme le Mahamoudra (grand symbole) ou le Dzogchen.
Le Hinayana ou premier véhicule encore dit petit véhicule ou véhicule de base est une voie d'éthique passant essentiellement par le renoncement aux négativités et à la souffrance, au niveau de la motivation spirituelle c'est une voie de libération individuelle. C'est le véhicule des soutras (soutrayana), principalement basé sur la réalisation des quatre nobles vérités ==> état d'arhat (avec ou sans restes).
Le Mahayana ou second véhicule, encore dit grand véhicule ou véhicule des bodhisattvas, est une voie graduelle de compassion, au niveau de la motivation c'est donc une voie d'engagement à la libération de tous les êtres sensibles. Le mahayana passe par le soutrayana (enseignement et étude) et le mantrayana (pour asseoir la méditation via des pratiques rituelles) comme moyens habiles, donc principalement basé sur l'entraînement et la réalisation de la précieuse Bodhicitta (relative et absolue).
Le Vajrayana ou troisième véhicule, encore dit véhicule suprême ou véhicule du Diamant (cœur inébranlable) ou Adamantin, est une voie moins graduelle (mais cela dépend de notre niveau de conscience) de transformation (exemple du paon, moyens habiles des antidotes) car on transforme des khleshas (conditionnements négatifs) en paramitas (vertus), au niveau de la motivation c'est une voie d'engagement à la libération individuelle en trois vies pour la libération de tous les êtres sans exception. Le vajrayana repose sur le tantrayana (3 tantras extérieurs + 3 tantras intérieurs) et le mantrayana secret, comme outils ou moyens habiles très efficaces et puissants dans cette motivation altruiste. Il est principalement basé sur la Vue pure, soit réalisation de la nature de l'Esprit d'Éveil (base = chemin = fruit), comme le Mahamoudra (grand symbole) ou le Dzogchen.
Sauf que pour le Dzogchen, ou grande perfection, encore dit 9ème véhicule, on ne transforme rien mais on réalise directement la vacuité de toute chose dans sa nature primordialement pure et, une pratique préalable des 3 autres véhicules est pratiquement indispensable dans les vies précédentes ou celle-ci mais l'éveil devient possible en une seule vie.
On peut trouver plus explications dans "la voie du Bouddha" de Kalou Rinpoché (par Lama Denis Tendroup), et dans "Dzogchen et Tantra" de Namkhaï Norbu Rinpoché, ainsi que dans "La Liberté Naturelle de l'Esprit" de Longchenpa (point sagesse SA n° 66, par Philippe Cornu).
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LA VOIE DU MILIEU :
L'école Madhyamika, selon les auteurs tibétains, a évolué en deux branches (Svatantrika et Prasangika) chacune ayant débouché sur deux autres (Sautantika et Yogacara ; Géloupa et Sakyapa/Nyingmapa), définies en introduction ci-après.
Pour plus de détails référez-vous aux pages 324 à 331 du « Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme » (mai 2001) de Philippe Cornu et collectif Edition « Seuil » (première version) ainsi qu'aux bibliographies et renvois qu'il indique - Nota Bene : ce dictionnaire est incontournable si vous suivez les cours de l'UBE, les dernières versions sont plus complètes donc si vous pouvez vous l'offrir optez pour la plus récente version toujours plus ouverte aux autres traditions (que la traditions tibétaine mieux connue et vécue par Philippe Cornu, sachant que ce collectif et ses travaux ont grandement avancés dans ce sens -ce depuis 1995, où est clairement née d'une nécessité au sein des différentes Sangha Rismed (rimay ou rimé, non sectaire) francophones cette idée de dictionnaire - les questions des étudiants et des lecteurs de la première version ont contribué depuis 2001 à combler quelques lacunes et le travail continu.).
En voici le résumé, Après une courte introduction pour détailler les branches du Madhyamika vous trouverez : Premièrement, une présentation du Madhyamika ou « voie médiane » (1) par ses fondements (a) ses origines et son histoire en Inde (b) puis au Tibet (c) et finalement en Chine et au Japon (d). Deuxièmement, une présentation du Madhyamika svatantrika issu de l'oeuvre de Bhavaviveka (2) avec les polémiques en Inde et au Tibet (a) puis les subdivisions de cette école (b). Troisièmement, une présentation du Madhyamika Prasangika (3) avec sa particularité (a) et son évolution au Tibet (b). Quatrièmement, une présentation du Madhyamika shentong ou philosophie de la « vacuité intrinsèque » ou « vide d'altérité » des Jonangpa (4) avec sa position philosophique (a) la polémique tibétaine à son propos et l'émergence du Grand Madhyamika (b).
Tout cela, ici aussi, vous parlera très certainement car nos maîtres (tibétains notamment)l'ont pratiquement tous étudié nous transmettant cette formation philosophique et didactique
qui donne naissance à un esprit critique apte à développer un argumentaire fin et subtil.
Hommage aux précieux Maîtres !
Introduction
pour mémo, voici une présentation détaillée des branches du Madhyamika :
L'école Madhyamika : vacuité du soi et des phénomènes, qui selon les auteurs tibétains évolue en 2 branches :
A - Svatantrika :
qui démontre la vacuité par syllogismes autonomes, réalités conventionnelles vraie et fausse, et donne naissance à deux branches :
1.Sautantika : (suivant Bhavaviveka) réalité conventionnelle selon le mode sautantrika
2.Yogacara : (suivant Shantarakshita, Haribhadra, Kamalashila) réalité conventionnelle selon le mode cittamatra
B - Prasangika : (suivant Budhapalita, Candrakirti) ils démontrent la vacuité au moyen du raisonnement par l'absurde.
Ils évoluent aussi en deux branches :
1.Géloupa : (suivant Tsongkapa) Vacuité de négation. Réalité conventionnelle en accord avec les vues du monde
2.Sakyapa/Nyingmapa : (suivant Gorampa, Mip'am Rinpoché) Vacuité sans élaboration, par-delà la négation. Et réalité conventionnelle selon le mode cittamatra.
La vue Madhyamika Shentong (ou du « vide d'altérité ») qui (face aux vues du « vide inhérent ») fut interdite au XIIème siècle ne figure pas sur ce découpage, bien que revenue dans l'école Kagyupa après l'émergence du mouvement non sectaire (tib : Ris-med [rimé] ou [rimay] ) avec Jamgön Kongtrül Lödrö Thayé.
1)Présentation du Madhyamika ou « voie médiane »
Tib : dBu-ma ; Ch :Zhong-kuan ; Jap : Chugan.
La Voie Médiane est l'une des deux grandes écoles philosophiques du Mahayana.
« Madhyamika » désigne l'école et ses partisans, mais la réalité décrite est dénommée « Madhyamaka ». Etymologie : « du milieu, médian » se voulant par excellence la voie du milieu, dès les premiers enseignements du bouddha (« trop tendue ou pas assez la corde du luth ne sonne pas correctement »). Nagarjuna et ses continuateurs ont ainsi abouti à la notion « de voie du milieu » dans une dialectique qui ne rejoint aucun extrême, non fixée ou libre, menant à la vacuité de toute chose en tant qu'expérience de la réalité ultime. Nagarjuna : « Le vainqueur a dit que la vacuité est l'évacuation complète de toutes les opinions. Quant à ceux qui croient à la vacuité, ceux-là je les déclare incurables » (in Karika, XII, 8).
a.Les fondements du Madhyamika
La base, la voie et le fruit selon le Madhyamika :
I.La base ou Vue selon le Madhyamika
C'est l'union des deux réalités (ou vérités) relative ou conventionnelle des apparences phénoménales, et absolue ou ultime, qui est la vacuité des phénomènes. Candrakirti : « Tous les phénomènes ont deux natures : celle trouvée en percevant leur réalité et celle trouvée en percevant leur caractère trompeur. L'objet de la perception correcte est la réalité absolue. Celui de la perception trompeuse est la réalité conventionnelle. » (in Madhyamakavatara, VI,23 trad. de l'auteur).
La réalité relative ou « réalité en développement » cache complètement l'essence de la réalité, car bien qu'ils existent relativement (les uns par rapport aux autres) les phénomènes sont dépourvus de réalité intrinsèque (d'où « vide en soi ») car née de la combinaison de causes et de circonstances leur existence dépend d'autres facteurs : c'est la « production conditionnée » ou «interdépendance ». Nagarjuna : « Où que ce soit, quelles qu'elles soient, ni de soi ni d'autrui, ni de l'un et de l'autre, ni indépendant de l'un et de l'autre, les choses ne sont jamais produites » (tétralemme du Madhyamakakaruka, I, I, trad. L. Biton,). Démonstration par les « éclats de diamant » de l'impossibilité d'auto-production d'un phénomène, ou de sa production à partir d'un phénomène neutre ou radicalement autre, ou des deux à la fois, ou d'aucun d'eux.
[Cf. pages 324/325 du Dico ou prenez un zaffu et méditez vous verrez bien!] Enfin, « la production conditionnée, nous l'appelons vacuité. C'est une désignation métaphorique, la voie du milieu ».
Les deux réalités sont donc :
1.opposées puisque l'apparence d'un phénomène n'est pas sa réalité absolue ;
2.inséparables car, bien que vides d'existence en soi, les phénomènes apparaissent et, bien qu'apparaissant à nos sens, ils sont sans existence en soi ;
3.d'une même essence : la nature essentielle ou ultime des phénomènes relatifs est leur vacuité.
Donc, pas d'éternalisme, ni de nihilisme. Ni existence, ni non existence des phénomènes, telle est la voie du milieu.
II.La voie selon le Madhyamika
Elle consiste à unir les deux accumulations : de sagesses et de mérites.
1.l'accumulation de sagesse par le raisonnement et la méditation mène à la pénétration directe de la vacuité.
2.l'accumulation de mérite consiste à pratiquer la compassion à l'aide des six paramitas (ou vertus transcendantes).
Le bodhisattva franchit ainsi successivement les cinq voies et les dix terres jusqu'au fruit de l'éveil.
III.Le fruit selon le Madhyamika
C'est le plein éveil d'un bouddha après dissipassions des voiles passionnels et cognitifs le long des voies et des terres.
L'accès à la vacuité du soi et des phénomènes assure la destruction de ces voiles et permet d'accomplir le corps absolu (sk : dharmakaya) pour soi-même.
La compassion par accumulation de mérites permet d'accomplir les deux corps formels (sk : rupakaya) pour le bienfait d'autrui : le corps de jouissance (sk : sambogakaya) et le corps d'émanation (ou d'apparition, sk : mirmanakaya).
L'union des fruits des deux accumulations est indispensable car on ne peut pas libérer autrui si l'on ne l'est pas soi-même au préalable et ce quelle que soit notre compassion il faut pouvoir clairement percevoir pourquoi, quand et comment la mettre en oeuvre (ce qui est naturel et spontané chez un bouddha ne l'est pas encore pour nous, êtres ordinaires, ni complètement pour un bodhisattva des premières et moyennes terres).
b. Les origines du Madhyamika et son histoire en Inde
Fondée au IIème siècle par Nagarjuna et son disciple Aryadeva, elle tire ses racines du bouddhisme indien (T.R.V. Murti). Dès le canon pali les discours du bouddha proclament la voie du milieu se gardant des vues dogmatiques et extrêmes du nihilisme ou de l'éternalisme. C'est aussi le sens des « quatorze questions restées sans réponses » par l'Eveillé (Lire « Le traité du Milieu » de Nagarjuna). Et ses commentaires avec celui de ses autres traités par Aryadeva (IIIème siècle) et les abondants commentaires ultérieurs par ses successeurs.
(et ainsi de suite, après « comprendre la vacuité » Ed° Padmakara, et le dernier ouvrage sur le sujet est sorti en 2005, par Patrick Carré et Fabrice Midal si je ne me trompe pas, voir sur le site web de l'UBF les ouvrages présentés aux émissions « Voix Bouddhistes » sur France 2 en 2005).
Au Vème siècle Buddhapalita commente « le traité du milieux » en utilisant le raisonnement par l'absurde (sk : prasanga) pour réfuter les thèses adverses. Vivement critiqué par Bhavaviveka (VIème siècle) qui préfère la méthode logique et le syllogisme autonome. Ainsi naît la distinction des deux sous-écoles indiennes : Madhyamika svatantrika selon la méthode de Bhavaviveka et la méthode de Buddhapalita défendue par Chandrakirti (VIème siècle) deviendra le Madhyamika Prasangika dont Shantideva au VIIIème siècle sera un des principaux représentants.
c.Les origines du Madhyamika au Tibet
C'est Shanktarashita qui introduit le Madhyamika au Tibet au VIIIème siècle avec son disciple Kamalashila, il détient la lignée d'un madhyamika qui admet la description yogacarin (cittamatra) pour exposer les mécanismes de l'illusion dans le registre de la vérité relative. C'est le courrant Yogacara madhyamika svatantrika, qui prédomine au Tibet jusqu'à la seconde diffusion (avec Padmasambhava, sous Trisongdetsen).
Au XIème siècle Atisha Dipankara, invité au Tibet, fonde l'école Kadampa et semble se ranger aux côtés de Chandrakirti (et le Madhyamika Prasangika). Mais au XIIème siècle Patsab Lotsava Nyima Drakpa, un autre maître Kadampa, traduira les deux principaux ouvrages du madhyamika prasangika de Candrakirti.
C'est au Tibet via les « manuels de philosophie » (tib : drouptha - sk : siddhanta) que le débat entre les divers courants madhyamika prend toute son ampleur, et que les auteurs ont inventé les dénominations des sous-écoles madhyamika.
Avec l'étude du Blo-gsal grub-mtha (Tib : dBub-pa blo-gsal) d'Üpa Losel, maître Kadampa du XIème siècle, K. Mimaki montre combien les classifications de ces manuels ont varié au Tibet entre les IXème et XIVème siècles .
Ce n'est qu'à partir de Dje Tsongkhapa (1357-1419) que l'on retrouve la classification moderne des courants madhyamika (Cf. introduction ci-dessus).
NB : Les dénominations madhyamika sautanrika et yogakara portent avant tout sur la manière dont un philosophe madhyamika considère le plan de la vérité relative (sk : samvrti) tandis que les dénominations svatantrika et prasangika portent sur l'utilisation respective dans la dialectique des moyens de démonstration : le syllogisme autonome (sk : svatantra) ou la réduction par labsurde (sk : prasanga). Distingo important pour comprendre la position philosophique réelle des différentes écoles bouddhistes tibétaines. Car toutes adhèrent au madhyamika mais selon des points de vue différents :
-les nyingmapa anciens étaient yogacara : Longchenpa (1308-1363) se rallie au Prasangika pour la dialectique tout en conservant la présentation de vérité relative propre au Yogacara.
-Certains Sakhyapa adhèrent au Prasangika sans déconsidérer les vues svatantrika ni la présentation Yogacara (exemple : Gorampa).
-Les Guéloupa adhèrent au Prasangika strict de Chandrakirti interprété par Djé Tsongkhapa, considérant le svatantrika comme un système aux vues imparfaites, réfutant la présentation Yogacara, et admettant les « vues conventionnelles du monde ».
-Les Jonangpa adoptent un système inventé par Dölpopa (1292-1361), l'école Madhyamika Shentong (tib : gzhan-stong) ou du « vide altérité » combinant le Madhyamika avec la théorie du tathagagatagarbha et celle des trois natures de la philosophie cittamantra. Cette vue qui se distingue des autres courants qualifiés de rangtong ou de « vacuité inhérente », admet une nature de bouddha vide d'impureté adventices mais pleine de qualités lumineuses. Elle sera vivement combattue par les Géloupa qui interdirent cette école au XIIème siècle. Depuis l'émergence du mouvement non sectaire (tib : Ris-med) au Kham au XIXème siècle, le Madhyamika Shentong connaît un regain d'intérêt dans l'école Kagyupa à la suite des travaux de Jamgön Kongtrül Lödrö Thayé (1811-1899).
d. Les origines du Madhyamika en Chine et au Japon.
Kumarajiva (311 ou 350-413) introduit l?école Madhyamika en Chine, avec la traduction en chinois des « Trois traités » du Madhyamika reçus de son maître Suryasoma à Kashagar. Le Madhyamakasastra et le Dvadasamikasastra de Nagarjuna et le Satakasastra d'Aryadeva. Ses disciples Daosheng (365-434), Sanghao (374-414) et Senlang sont ses fidèles successeurs. Ce dernier d'origine Coréenne est le véritable fondateur de l'école Sanlun ou « école des trois traités » nettement distincte, alors, de l'école Satyasiddhi. Son 7ème patriarche, Jizang (549-623) écrivit entre autre « Le sens des arcanes des Trois Traités ». Son disciple coréen Hyekuan (jap : Ekan) instaura l'école au Japon en 625, connue sous le nom de Saronshu. Contraiement au Tibet elle n'a pas connu de polémiques entre svatantrika et prasangika et sa transmission depuis la Chine, car remontant à une date antérieure à leur naissance.
En Chine, l'école Salun s'intégra au Tintai mais déclina à l'ascension de l'école Faxiang (de sensibilité yogacara) créée par Xiuanzang (600-664) et ne survécu point aux persécutions de 845.
Au Japon, l'école Saron fut l'une des six écoles bouddhistes de la période Nara, qui déclina, mais ses doctrines continuèrent à être étudiées dans les écoles Hosso et Kegon.
L'école Madhyamika, selon les auteurs tibétains, a évolué en deux branches (Svatantrika et Prasangika) chacune ayant débouché sur deux autres (Sautantika et Yogacara ; Géloupa et Sakyapa/Nyingmapa), définies en introduction ci-après.
Pour plus de détails référez-vous aux pages 324 à 331 du « Dictionnaire encyclopédique du bouddhisme » (mai 2001) de Philippe Cornu et collectif Edition « Seuil » (première version) ainsi qu'aux bibliographies et renvois qu'il indique - Nota Bene : ce dictionnaire est incontournable si vous suivez les cours de l'UBE, les dernières versions sont plus complètes donc si vous pouvez vous l'offrir optez pour la plus récente version toujours plus ouverte aux autres traditions (que la traditions tibétaine mieux connue et vécue par Philippe Cornu, sachant que ce collectif et ses travaux ont grandement avancés dans ce sens -ce depuis 1995, où est clairement née d'une nécessité au sein des différentes Sangha Rismed (rimay ou rimé, non sectaire) francophones cette idée de dictionnaire - les questions des étudiants et des lecteurs de la première version ont contribué depuis 2001 à combler quelques lacunes et le travail continu.).
En voici le résumé, Après une courte introduction pour détailler les branches du Madhyamika vous trouverez : Premièrement, une présentation du Madhyamika ou « voie médiane » (1) par ses fondements (a) ses origines et son histoire en Inde (b) puis au Tibet (c) et finalement en Chine et au Japon (d). Deuxièmement, une présentation du Madhyamika svatantrika issu de l'oeuvre de Bhavaviveka (2) avec les polémiques en Inde et au Tibet (a) puis les subdivisions de cette école (b). Troisièmement, une présentation du Madhyamika Prasangika (3) avec sa particularité (a) et son évolution au Tibet (b). Quatrièmement, une présentation du Madhyamika shentong ou philosophie de la « vacuité intrinsèque » ou « vide d'altérité » des Jonangpa (4) avec sa position philosophique (a) la polémique tibétaine à son propos et l'émergence du Grand Madhyamika (b).
Tout cela, ici aussi, vous parlera très certainement car nos maîtres (tibétains notamment)l'ont pratiquement tous étudié nous transmettant cette formation philosophique et didactique
qui donne naissance à un esprit critique apte à développer un argumentaire fin et subtil.
Hommage aux précieux Maîtres !
Introduction
pour mémo, voici une présentation détaillée des branches du Madhyamika :
L'école Madhyamika : vacuité du soi et des phénomènes, qui selon les auteurs tibétains évolue en 2 branches :
A - Svatantrika :
qui démontre la vacuité par syllogismes autonomes, réalités conventionnelles vraie et fausse, et donne naissance à deux branches :
1.Sautantika : (suivant Bhavaviveka) réalité conventionnelle selon le mode sautantrika
2.Yogacara : (suivant Shantarakshita, Haribhadra, Kamalashila) réalité conventionnelle selon le mode cittamatra
B - Prasangika : (suivant Budhapalita, Candrakirti) ils démontrent la vacuité au moyen du raisonnement par l'absurde.
Ils évoluent aussi en deux branches :
1.Géloupa : (suivant Tsongkapa) Vacuité de négation. Réalité conventionnelle en accord avec les vues du monde
2.Sakyapa/Nyingmapa : (suivant Gorampa, Mip'am Rinpoché) Vacuité sans élaboration, par-delà la négation. Et réalité conventionnelle selon le mode cittamatra.
La vue Madhyamika Shentong (ou du « vide d'altérité ») qui (face aux vues du « vide inhérent ») fut interdite au XIIème siècle ne figure pas sur ce découpage, bien que revenue dans l'école Kagyupa après l'émergence du mouvement non sectaire (tib : Ris-med [rimé] ou [rimay] ) avec Jamgön Kongtrül Lödrö Thayé.
1)Présentation du Madhyamika ou « voie médiane »
Tib : dBu-ma ; Ch :Zhong-kuan ; Jap : Chugan.
La Voie Médiane est l'une des deux grandes écoles philosophiques du Mahayana.
« Madhyamika » désigne l'école et ses partisans, mais la réalité décrite est dénommée « Madhyamaka ». Etymologie : « du milieu, médian » se voulant par excellence la voie du milieu, dès les premiers enseignements du bouddha (« trop tendue ou pas assez la corde du luth ne sonne pas correctement »). Nagarjuna et ses continuateurs ont ainsi abouti à la notion « de voie du milieu » dans une dialectique qui ne rejoint aucun extrême, non fixée ou libre, menant à la vacuité de toute chose en tant qu'expérience de la réalité ultime. Nagarjuna : « Le vainqueur a dit que la vacuité est l'évacuation complète de toutes les opinions. Quant à ceux qui croient à la vacuité, ceux-là je les déclare incurables » (in Karika, XII, 8).
a.Les fondements du Madhyamika
La base, la voie et le fruit selon le Madhyamika :
I.La base ou Vue selon le Madhyamika
C'est l'union des deux réalités (ou vérités) relative ou conventionnelle des apparences phénoménales, et absolue ou ultime, qui est la vacuité des phénomènes. Candrakirti : « Tous les phénomènes ont deux natures : celle trouvée en percevant leur réalité et celle trouvée en percevant leur caractère trompeur. L'objet de la perception correcte est la réalité absolue. Celui de la perception trompeuse est la réalité conventionnelle. » (in Madhyamakavatara, VI,23 trad. de l'auteur).
La réalité relative ou « réalité en développement » cache complètement l'essence de la réalité, car bien qu'ils existent relativement (les uns par rapport aux autres) les phénomènes sont dépourvus de réalité intrinsèque (d'où « vide en soi ») car née de la combinaison de causes et de circonstances leur existence dépend d'autres facteurs : c'est la « production conditionnée » ou «interdépendance ». Nagarjuna : « Où que ce soit, quelles qu'elles soient, ni de soi ni d'autrui, ni de l'un et de l'autre, ni indépendant de l'un et de l'autre, les choses ne sont jamais produites » (tétralemme du Madhyamakakaruka, I, I, trad. L. Biton,). Démonstration par les « éclats de diamant » de l'impossibilité d'auto-production d'un phénomène, ou de sa production à partir d'un phénomène neutre ou radicalement autre, ou des deux à la fois, ou d'aucun d'eux.
[Cf. pages 324/325 du Dico ou prenez un zaffu et méditez vous verrez bien!] Enfin, « la production conditionnée, nous l'appelons vacuité. C'est une désignation métaphorique, la voie du milieu ».
Les deux réalités sont donc :
1.opposées puisque l'apparence d'un phénomène n'est pas sa réalité absolue ;
2.inséparables car, bien que vides d'existence en soi, les phénomènes apparaissent et, bien qu'apparaissant à nos sens, ils sont sans existence en soi ;
3.d'une même essence : la nature essentielle ou ultime des phénomènes relatifs est leur vacuité.
Donc, pas d'éternalisme, ni de nihilisme. Ni existence, ni non existence des phénomènes, telle est la voie du milieu.
II.La voie selon le Madhyamika
Elle consiste à unir les deux accumulations : de sagesses et de mérites.
1.l'accumulation de sagesse par le raisonnement et la méditation mène à la pénétration directe de la vacuité.
2.l'accumulation de mérite consiste à pratiquer la compassion à l'aide des six paramitas (ou vertus transcendantes).
Le bodhisattva franchit ainsi successivement les cinq voies et les dix terres jusqu'au fruit de l'éveil.
III.Le fruit selon le Madhyamika
C'est le plein éveil d'un bouddha après dissipassions des voiles passionnels et cognitifs le long des voies et des terres.
L'accès à la vacuité du soi et des phénomènes assure la destruction de ces voiles et permet d'accomplir le corps absolu (sk : dharmakaya) pour soi-même.
La compassion par accumulation de mérites permet d'accomplir les deux corps formels (sk : rupakaya) pour le bienfait d'autrui : le corps de jouissance (sk : sambogakaya) et le corps d'émanation (ou d'apparition, sk : mirmanakaya).
L'union des fruits des deux accumulations est indispensable car on ne peut pas libérer autrui si l'on ne l'est pas soi-même au préalable et ce quelle que soit notre compassion il faut pouvoir clairement percevoir pourquoi, quand et comment la mettre en oeuvre (ce qui est naturel et spontané chez un bouddha ne l'est pas encore pour nous, êtres ordinaires, ni complètement pour un bodhisattva des premières et moyennes terres).
b. Les origines du Madhyamika et son histoire en Inde
Fondée au IIème siècle par Nagarjuna et son disciple Aryadeva, elle tire ses racines du bouddhisme indien (T.R.V. Murti). Dès le canon pali les discours du bouddha proclament la voie du milieu se gardant des vues dogmatiques et extrêmes du nihilisme ou de l'éternalisme. C'est aussi le sens des « quatorze questions restées sans réponses » par l'Eveillé (Lire « Le traité du Milieu » de Nagarjuna). Et ses commentaires avec celui de ses autres traités par Aryadeva (IIIème siècle) et les abondants commentaires ultérieurs par ses successeurs.
(et ainsi de suite, après « comprendre la vacuité » Ed° Padmakara, et le dernier ouvrage sur le sujet est sorti en 2005, par Patrick Carré et Fabrice Midal si je ne me trompe pas, voir sur le site web de l'UBF les ouvrages présentés aux émissions « Voix Bouddhistes » sur France 2 en 2005).
Au Vème siècle Buddhapalita commente « le traité du milieux » en utilisant le raisonnement par l'absurde (sk : prasanga) pour réfuter les thèses adverses. Vivement critiqué par Bhavaviveka (VIème siècle) qui préfère la méthode logique et le syllogisme autonome. Ainsi naît la distinction des deux sous-écoles indiennes : Madhyamika svatantrika selon la méthode de Bhavaviveka et la méthode de Buddhapalita défendue par Chandrakirti (VIème siècle) deviendra le Madhyamika Prasangika dont Shantideva au VIIIème siècle sera un des principaux représentants.
c.Les origines du Madhyamika au Tibet
C'est Shanktarashita qui introduit le Madhyamika au Tibet au VIIIème siècle avec son disciple Kamalashila, il détient la lignée d'un madhyamika qui admet la description yogacarin (cittamatra) pour exposer les mécanismes de l'illusion dans le registre de la vérité relative. C'est le courrant Yogacara madhyamika svatantrika, qui prédomine au Tibet jusqu'à la seconde diffusion (avec Padmasambhava, sous Trisongdetsen).
Au XIème siècle Atisha Dipankara, invité au Tibet, fonde l'école Kadampa et semble se ranger aux côtés de Chandrakirti (et le Madhyamika Prasangika). Mais au XIIème siècle Patsab Lotsava Nyima Drakpa, un autre maître Kadampa, traduira les deux principaux ouvrages du madhyamika prasangika de Candrakirti.
C'est au Tibet via les « manuels de philosophie » (tib : drouptha - sk : siddhanta) que le débat entre les divers courants madhyamika prend toute son ampleur, et que les auteurs ont inventé les dénominations des sous-écoles madhyamika.
Avec l'étude du Blo-gsal grub-mtha (Tib : dBub-pa blo-gsal) d'Üpa Losel, maître Kadampa du XIème siècle, K. Mimaki montre combien les classifications de ces manuels ont varié au Tibet entre les IXème et XIVème siècles .
Ce n'est qu'à partir de Dje Tsongkhapa (1357-1419) que l'on retrouve la classification moderne des courants madhyamika (Cf. introduction ci-dessus).
NB : Les dénominations madhyamika sautanrika et yogakara portent avant tout sur la manière dont un philosophe madhyamika considère le plan de la vérité relative (sk : samvrti) tandis que les dénominations svatantrika et prasangika portent sur l'utilisation respective dans la dialectique des moyens de démonstration : le syllogisme autonome (sk : svatantra) ou la réduction par labsurde (sk : prasanga). Distingo important pour comprendre la position philosophique réelle des différentes écoles bouddhistes tibétaines. Car toutes adhèrent au madhyamika mais selon des points de vue différents :
-les nyingmapa anciens étaient yogacara : Longchenpa (1308-1363) se rallie au Prasangika pour la dialectique tout en conservant la présentation de vérité relative propre au Yogacara.
-Certains Sakhyapa adhèrent au Prasangika sans déconsidérer les vues svatantrika ni la présentation Yogacara (exemple : Gorampa).
-Les Guéloupa adhèrent au Prasangika strict de Chandrakirti interprété par Djé Tsongkhapa, considérant le svatantrika comme un système aux vues imparfaites, réfutant la présentation Yogacara, et admettant les « vues conventionnelles du monde ».
-Les Jonangpa adoptent un système inventé par Dölpopa (1292-1361), l'école Madhyamika Shentong (tib : gzhan-stong) ou du « vide altérité » combinant le Madhyamika avec la théorie du tathagagatagarbha et celle des trois natures de la philosophie cittamantra. Cette vue qui se distingue des autres courants qualifiés de rangtong ou de « vacuité inhérente », admet une nature de bouddha vide d'impureté adventices mais pleine de qualités lumineuses. Elle sera vivement combattue par les Géloupa qui interdirent cette école au XIIème siècle. Depuis l'émergence du mouvement non sectaire (tib : Ris-med) au Kham au XIXème siècle, le Madhyamika Shentong connaît un regain d'intérêt dans l'école Kagyupa à la suite des travaux de Jamgön Kongtrül Lödrö Thayé (1811-1899).
d. Les origines du Madhyamika en Chine et au Japon.
Kumarajiva (311 ou 350-413) introduit l?école Madhyamika en Chine, avec la traduction en chinois des « Trois traités » du Madhyamika reçus de son maître Suryasoma à Kashagar. Le Madhyamakasastra et le Dvadasamikasastra de Nagarjuna et le Satakasastra d'Aryadeva. Ses disciples Daosheng (365-434), Sanghao (374-414) et Senlang sont ses fidèles successeurs. Ce dernier d'origine Coréenne est le véritable fondateur de l'école Sanlun ou « école des trois traités » nettement distincte, alors, de l'école Satyasiddhi. Son 7ème patriarche, Jizang (549-623) écrivit entre autre « Le sens des arcanes des Trois Traités ». Son disciple coréen Hyekuan (jap : Ekan) instaura l'école au Japon en 625, connue sous le nom de Saronshu. Contraiement au Tibet elle n'a pas connu de polémiques entre svatantrika et prasangika et sa transmission depuis la Chine, car remontant à une date antérieure à leur naissance.
En Chine, l'école Salun s'intégra au Tintai mais déclina à l'ascension de l'école Faxiang (de sensibilité yogacara) créée par Xiuanzang (600-664) et ne survécu point aux persécutions de 845.
Au Japon, l'école Saron fut l'une des six écoles bouddhistes de la période Nara, qui déclina, mais ses doctrines continuèrent à être étudiées dans les écoles Hosso et Kegon.
2) Présentation du Madhyamika svatantrika
tib : Rang-rgyud dbu-ma-pa
Courant issu de l'oeuvre de Bhavaviveka qui connu une grande popularité dans le mahayana indien puis tibétain entre le IV et le XIIème siècle.
Les svatantrika sont madhyamika dans leur compréhension de la vérité ultime : tous les phénomènes sont dépourvus d'être en soi ; il n'y a ni « soi » des individus, ni substance des phénomènes extérieurs. Leur compréhension de la vacuité est donc semblable à celle des Prasangika. Mais, ils s'en distinguent par leur utilisation de la logique et de syllogismes autonomes pour prouver la vacuité à leurs opposants bouddhistes ou non bouddhistes. Estimant la méthode de réduction par l'absurde de Buddhapalita insuffisante et défectueuse du point de vue logique pour établir la vacuité aux yeux de l'interlocuteur. Selon lui, le refus des prasangika d'admettre la validité des moyens de connaissance juste présente l'inconvénient de ne pas proposer un sujet de discussion qui soit accepté par les deux parties, ce qui ne peut qu'annuler la force de preuve de l'argumentation. Bhavaviveka affirme la nécessité d'un substrat commun, censé être vrai pour les deux interlocuteurs, afin d'établir l'inférence juste. Ce substrat qui doit être conforme à l'expérience commune, ne peut être qu'un objet validé par la perception directe au niveau de la vérité relative.
Le syllogisme autonome utilisé possède trois membres : la proposition (sk : pratijna) qui comprend le substrat (sujet) et son prédicat, la raison (sk : hetu) et éventuellement l'exemple (sk : drstanta). Par exemple :
« la personne (sujet) n'existe pas en soi (prédicat) parce qu'elle est produite de façon dépendante (raison), comme l'est la pousse d'une plante (exemple). »
dans le soucis d'établir des syllogismes valides, les svatantrika en sont venus à distinguer deux niveaux de réalité relative ou superficielle : la réalité relative vraie
(sk : tathyasamvrti - tib : yang-dag-pa'i kun-rdzob) et la réalité relative fausse (sk : mithyasamvrti - tib : log-pa'i kun-rdzob).
[...]
(Vi : voir Page 330 du dico précité, le détail concernant les deux réalités relatives et la réalité absolue, sinon méditez c'est encore mieux de faire l'expérience mais ce n'est pas une démarche discurssive qui fait appel à la logique intellectuelle vouée comme moyen habille à l'épuisement des concepts).
[...]
En résumé, selon cette école, pour démontrer la vacuité des phénomènes au niveau absolu, il faut admettre au niveau relatif l'existence de phénomènes «superficiellement vrais» par leur caractéristiques propres, singuliers, efficients et vérifiables par la perception directe. Ces phénomènes n'étant pas réellement établis, du point de vue absolu, par les syllogismes autonomes, on niera leur production réelle et leur être en soi, pour aboutir à la conclusion de leur vacuité. Mais cette négation n'est pas encore l'absolu lui-même, elle n'est qu'un absolu de comparaison. Ce n'est que lorsque on aura perçu directement le mode ultime des phénomènes, où apparence et vacuité se rejoignent, que l'opposition apparente entre existence de caractéristiques propre et l'absence d'être en soi sera résolue. On touchera alors à l'absolu ultime où la connaissance transcendante véritable se manifeste. Telles sont les principales spécificités de l'école Madhyamika svatantrika.
a. Les polémiques en Inde et au Tibet
La position svatantrika domine du VIIIème au XIème siècle. Controversée au XIIème siècle à l'introduction du Madhyamika Prasangika par les Kadampa elle perd rapidement du terrain pour lui laisser place au XIVème siècle.
Elle est sévèrement critiquée par Djé Tsongkhapa (et l'école Géloupa) qui lui reproche aussi la séparation de la vérité relative (en vrai et fausse) des phénomènes et la distinction d'un absolu catégoriel.
La position svatantrika est évaluée de façon plus nuancée par l'école Sakyapa (Gorampa Sönam Sengyé) et l'école Nyingmapa (Mip'am Rinpoché). Selon ces derniers il n'y a pas de différence entre les vues svatantrika et prasangika, la supériorité du Prasangika n'étant liée qu'à l'emploi de la réduction par l'absurde au lieu du syllogisme autonome comme méthode révélant la vacuité.
b. les subdivisions de l'école Madhyamika svatantrika
Comme on a vu plus haut, dès Yéshé Dé au IXème siècle, il était question de sautantrika madhyamika et de yogakara madhyamika, ce n'est que via les manuels philosophiques tibétains et avec Djé Tsongkhapa (1357-1419) que ses sous-écoles du svatantrika indien sont clairement identifiées, dénommées et classées sous la rubrique svatantrika :
I-Les sautrantika madhyamika svatantrika :
(Tib : mDo-sde spyod-pa'i dbu-ma rang-rgyud-pa)
représentés par Bhavaviveka, adoptent le modèle sautrantika au niveau de la vérité relative. De tendance réaliste, ils admettent l'existence relative d'objets extérieurs, de par leur caractéristique propre
(sk : svalaksana - Tib : rang-mtshan). Ils réfutent l'existence d'une conscience se connaissant elle-même (sk : svasamdevana - Tib : rang-rig) et ne reconnaissent que six consciences (au lieu de huit selon les vues Nyingmapa/Dzogchen). Pour Bhavaviveka, qui n'estime guère les traités d'Asanga sur le sujet, « l'Esprit seul » (Cittamatra) n'a été enseigné par le Bouddha que de manière circonstancielle. Il refuse donc en bloc toute interprétation idéaliste de type Yogacara.
II-Les yogacara madhyamika svatantrika :
(Tib : rNal-'byor spyod-pa'i dbu-ma rang-rgyurd-pa)
représentés par Shanktarakshita, Kamalashila, Haribhadra, Jitari, Shrigupta, admettent que la vérité relative a pour nature la conscience, ainsi que Shantarakshita le déclare dans le madhyamakalankara : « ce qui se manifeste en tant que causes et effets est uniquement conscience. Tout ce qui est établi de soi-même l'est en tant que conscience. Conformément au «rien qu'esprit» (Cittamatra), sachez que le mode extérieur n'a pas de conscience. Mais, selon nous, même [l'esprit] est dépourvu d'être en soi. » (Trad. S. Aiguillère). Pour eux, les apparences « extérieures », la pensée, les objets oniriques, produits du karma et producteurs de karma, sont des apparences relativement vraies mais sans réalité extérieure.
3) Présentation du Madhyamika Prasangika
ou philosophie de la vacuité démontrée au moyen du raisonnement par l'absurde
(Tib : Thal-'gyur dbu-ma-pa) cette école née de l'oeuvre de Buddhapalita trouve sa forme définitive avec Candrakirti au VIème siècle dans la Prasannapada face à Bhavaviveka.
La particularité du Prasangika tient dans le refus d'admettre la validité des moyens de connaissance juste (sk : pramana) des logiciens, suivant l'exemple de Nagarjuna dans la Vigrahavyavartani : aucun phénomène relatif n'a de consistance ou de réalité de par ses propres caractéristiques. L'ensemble de la vérité relative est le domaine de l'illusion, qu'il s'agisse de phénomènes perçus directement ou non, efficients ou non. Donc, sans division de la réalité relative en vraie/fausse, ni validité des arguments logiques, même s'ils sont utiles et efficaces dans le domaine relatif. Car ils ne peuvent mener à eux seuls à la réalité ultime, contrairement à ce qu'affirme Bhavaviveka et les madhyamika svatantrika, jugé ici logiquement incohérents.
a. sa particularité
La méthode proposée par les Prasangika est la réduction par l'absurde (sk : prasanga - Tib : thal-'gyur) : sans présenter soi-même une proposition spécifique, on admet provisoirement l?argument de l'opposant, puis on le pousse jusqu'à ses conséquences absurdes en employant la logique (la propre logique de l'interlocuteur), ce qui entraîne la réfutation par le seul fait de l'acceptation de l'adversaire sans pour autant que l'on affirme soi-même en conclusion une quelconque opinion. Candrakirti déclare ainsi : « Il n'est pas logique qu'un madhyamika formule un syllogisme autonome parce qu'il n'admet aucune thèse particulière » (in Prasannapada XVI, 2) faisant écho à Nagarjuna : « si j'avançais une quelconque thèse, je serais en défaut. Or je n'en ai pas et suis donc sans aucune faute » (Vigrahavyavartani, 29) Les Prasangika n'ont pas de «position» philosophique à avancer et se contentent de réfuter les théories adverses. Pour cela ils emploient 4 sortes de raisons (sk : hetu – Tib : rtags) :
1·L'inférence connue d'autrui (syllogisme autonome sous forme d'inférence à 5 membres accepté par un seul adversaire) ;
2·Le raisonnement par l'absurde simple ;
3·La réduction à l'absurde par égalité de raison ;
4·Et la faute d'illégitimité due à une raison semblable à ce que l'on cherche à prouver.
Ils utilisent également 4 moyens de connaissance valide à titre provisoire, sans jamais leur accorder une véritable réalité : la perception directe, l'inférence, l'analogie et l'autorité scripturaire. Les arguments utilisés ; négatifs ou affirmatifs, décèlent des contradictions internes de la thèse de l'opposant.
Deux célèbres démonstrations de Chandrakirti :
1·Les « éclats de diamants » qui consistent à réfuter les quatre alternatives de la production des phénomènes : production à partir de soi, d'un autre phénomène, des deux à la fois et sans cause.
2·Et la réfutation du soi en sept points par l'exemple du char (Cf. anatman, non-soi ou non-âme).
A propos de la vérité relative ou conventionnelle, ils identifient le monde phénoménal à l'illusion (sk : maya ; tib : sgyu-ma) et considère toute connaissance à ce sujet comme illusoire, les Prasangika ne lui refusent pas l?efficience : dépourvus d'être en soi, les phénomènes n'existent qu'en dépendances les uns des autres, par le jeu des causes et des effets de la production dépendante (ou interdépendante). Ils ont une existence et une efficience conventionnelles, étant de simples désignations nominales (sk : prajnapti, Tib : btags-pa).
b. Le Prasangika au Tibet :
Introduit par le Maître kadampa Patsab Lotsava Nyima Drakpa au XIIème siècle, le Prasangika ne tarda pas à y supplanter l'école Madhyamika svatantrika.
Boutön Rinchen Droup (1290-1364) et à sa suite Djé Tsongkhapa et les Guéloupa ont identifié le point de vue prasangika sur la vérité relative à celui des « partisans des vues du monde » (Tib : 'jid-rtengrags-sde spyod-pa'i dbu-ma-pa) qui ne jugent pas utile d'expliquer le monde relatif illusoire autrement que selon les conventions mondaines de tout un chacun.
Ce n'est pas l'opinion des Nyingmapa tels que Longchenpa et Mip'am Rinpoché, ni de Gorampa Sönam Sengué chez les Sakyapa. Tous se considèrent Prasangika mais jugent qu'il est utile de décrire le processus d'illusion à la manière des Cittamatrin, avec le système des 8 consciences et de l'alayavijnana dépositaire des traces karmiques, sans pour autant y souscrire au niveau absolu, l'esprit lui-même étant dépourvu d'être en soi, comme tout autre phénomène. Pour eux, c'est le type de raisonnement par l'absurde qui caractérise le prasangika et non le choix d'explication du relatif. Par ailleurs, dans la réalité absolue, la grande vacuité, au-delà des élaborations mentales (Tib : Spros-bral), n'est révélée que lors de la dissolution de l'esprit conceptuel. Sagesse primordiale (Tib : ye-shes) non duelle, elle ne saurait être la simple vacuité déduite d'un raisonnement de négation absolue (Tib : med-dgag), qui n'est qu'un absolu catégoriel (Tib : rnam-grang). A ce titre, ils se rapprochent du point de vue des Svatantrika.
4) Présentation du Madhyamika Shentong
(tib : dBu-ma gzhan-stong) ou philosophie de la « vacuité intrinsèque » ou « vide d'altérité » des Jonangpa.
Inventée par le Maître tibétain Dölpopa Shrérab Gyaltsen (1292-1361) elle fut décrétée « hérétique » par les Guéloupa sous le règne du Vème Dalaï Lama. Elle compta parmi ses défenseurs l'historien Tarathana et nombre d'adeptes tantriques du Kalachakratantra.
Actuellement, depuis les écrits de Jamgön Kontrül Lodrö Thaye (XIXème siècle) et le mouvement Rimé (= non sectaire), le Madhyamika Shentong connaît sous une forme subtilement corrigée, une nouvelle vogue chez les Kagyupa et même chez certains Nyingmapa qui utilisent le point de vue prasangika de la vacuité inhérente (tib : rang-stong) comme pendant philosophique de la pratique du Kadak Trekchö et le point de vue Madhyamika shentong du « vide d'altérité » comme pendant philosophique du Lhundroup Thögal dans le Dzogchen.
a. La position philosophique du Madhyamika shentong
Il s'agit, dans l'exposé des deux réalités, d'une combinaison des vues Madhyamika avec celle des Cittamatrin sur les trois natures, et du point de vue de la réalité absolue, de la combinaison du point de vue madhyamika avec la notion de thatagathagarba telle que l'exposent l'Utaratantrasastra d'Asanga-maitreya et les soutras de la troisième roue. Les deux réalités s'articulent selon les trois natures : la réalité relative ou conventionnelle concerne « l'entièrement l'imaginaire » , simple étiquetage des phénomènes par l'esprit illusionné, et le « caractère dépendant » pareil à un rêve. Tous deux sont vides d'être en soi. Quant à la réalité absolue, il s'agit du « parfaitement établi », la nature du bouddha qui est vide d'une essence autre qu'elle-même, c'est à dire des souillures adventices.
Il y a donc superposition de la notion de vacuité du Madhyamika avec la terminologie cittamatra. Ici, la vacuité de négation absolue telle qu'elle est établie dans l'école Madhyamika Prasangika concerne uniquement les phénomènes composés et impermanents du niveau relatif. Elle est de sens provisoire car elle n'est pas « la grande vacuité » de la vérité absolue, qui est la révélation de la richesse infinie des qualités lumineuses de la nature de bouddha permanente car incomposée et présente depuis toujours chez les êtes sensibles, telle un joyau dans sa gangue.
b. la polémique tibétaine à propos du Madhyamika shentong et l'émergence du Grand Madhyamika
Ce que les auteurs géloupa et certains sakyapa comme Rendawa et Gorampa ont reproché à cette philosophie Shentong, c'est la possibilité d'une lecture éternaliste ou sempiternelle du Tahataghatagarba, sorte de vacuité substantielle où la nature de Bouddha semble préexister depuis toujours sous le voile obscurcissant de l'esprit (Tib : sems) et de ses productions, à l'image du « joyau dans sa gangue » ou de l'étoffe sous les taches qui la souille superficiellement. Dès lors, il pourrait y avoir une dérive subitiste (phobie de nombreux philosophe tibétains) faisant fi de l'accumulation de mérites et privilégiant le dévoilement de la seule sagesse pour parvenir à l'Eveil.
Par ailleurs, le mélange de concepts cittamatrin (les trois natures : imaginaire, dépendante et parfaitement établie) avec le Madyamika , bien qu'étant une interprétation possible des soutras du 2ème tour de roue (les Prajnaparamitasoutras) et du 3ème tour de roue (Tahagatagarbasoutra, Samdhirnimocanasoutra) combinés, peut sembler artificiel aux tibétains, qui sont à l'origine de cette distinction des deux dernières roues (la classification en 3 tours de roue est typiquement tibétaine).
Au XIXème siècle, les auteurs du mouvement Rimé tels que Jamgön Kontrül le Grand ont répondu ainsi à ces questions :
En vérité , Dölpopa a dit : « au cours du samadhi, seul demeure l'espace et il n'y a personne pour déclarer que le Thatagatagatagarba existe, immuable depuis toujours, tel un svastika permanent » L'expérience même de l'état naturel est spacieuse et indicible. En dehors des périodes de méditation, c'est juste pour l'évoquer que l'on dit de cette matrice d'éveil qu'elle est existante depuis toujours, inaltérable, immaculée, inébranlable comme un svastika. Par « immobile et immuable » l'auteur souligne sa nature incomposée, incréée et par conséquent inaltérable, sans pour autant en faire une substance stable ou la réifier. C'est du fait de cette nature immaculée que les bouddhas ne peuvent retomber dans la confusion.
Par ailleurs cette nature de bouddha, appelée rigpa dans la Dzogchen, n'est pas sempiternelle mais atemporelle. Ainsi donc, la nature ultime du tathagatagarba est dénuée de toute élaboration et primordialement pure, c'est à dire intrinsèquement vide. Mais elle est également vide d'altérité, c'est à dire de toute souillure adventice, et sa vacuité est en même temps luminosité incomposée. Cette luminosité ou présence spontanée recèle l'ensemble des qualités de la bouddhéité et la potentialité des kaya. Unir ainsi les écoles mahyamika rangtong et shentong, c'est exprimer la réalité ultime dans ses deux facettes.
Les récents auteurs kagyupa et nyingmapa tels que Düdjom Rinpoché nomment cette approche qui dépasse les apparentes contradictions des deux systèmes le «grand Madhyamika ».
tib : Rang-rgyud dbu-ma-pa
Courant issu de l'oeuvre de Bhavaviveka qui connu une grande popularité dans le mahayana indien puis tibétain entre le IV et le XIIème siècle.
Les svatantrika sont madhyamika dans leur compréhension de la vérité ultime : tous les phénomènes sont dépourvus d'être en soi ; il n'y a ni « soi » des individus, ni substance des phénomènes extérieurs. Leur compréhension de la vacuité est donc semblable à celle des Prasangika. Mais, ils s'en distinguent par leur utilisation de la logique et de syllogismes autonomes pour prouver la vacuité à leurs opposants bouddhistes ou non bouddhistes. Estimant la méthode de réduction par l'absurde de Buddhapalita insuffisante et défectueuse du point de vue logique pour établir la vacuité aux yeux de l'interlocuteur. Selon lui, le refus des prasangika d'admettre la validité des moyens de connaissance juste présente l'inconvénient de ne pas proposer un sujet de discussion qui soit accepté par les deux parties, ce qui ne peut qu'annuler la force de preuve de l'argumentation. Bhavaviveka affirme la nécessité d'un substrat commun, censé être vrai pour les deux interlocuteurs, afin d'établir l'inférence juste. Ce substrat qui doit être conforme à l'expérience commune, ne peut être qu'un objet validé par la perception directe au niveau de la vérité relative.
Le syllogisme autonome utilisé possède trois membres : la proposition (sk : pratijna) qui comprend le substrat (sujet) et son prédicat, la raison (sk : hetu) et éventuellement l'exemple (sk : drstanta). Par exemple :
« la personne (sujet) n'existe pas en soi (prédicat) parce qu'elle est produite de façon dépendante (raison), comme l'est la pousse d'une plante (exemple). »
dans le soucis d'établir des syllogismes valides, les svatantrika en sont venus à distinguer deux niveaux de réalité relative ou superficielle : la réalité relative vraie
(sk : tathyasamvrti - tib : yang-dag-pa'i kun-rdzob) et la réalité relative fausse (sk : mithyasamvrti - tib : log-pa'i kun-rdzob).
[...]
(Vi : voir Page 330 du dico précité, le détail concernant les deux réalités relatives et la réalité absolue, sinon méditez c'est encore mieux de faire l'expérience mais ce n'est pas une démarche discurssive qui fait appel à la logique intellectuelle vouée comme moyen habille à l'épuisement des concepts).
[...]
En résumé, selon cette école, pour démontrer la vacuité des phénomènes au niveau absolu, il faut admettre au niveau relatif l'existence de phénomènes «superficiellement vrais» par leur caractéristiques propres, singuliers, efficients et vérifiables par la perception directe. Ces phénomènes n'étant pas réellement établis, du point de vue absolu, par les syllogismes autonomes, on niera leur production réelle et leur être en soi, pour aboutir à la conclusion de leur vacuité. Mais cette négation n'est pas encore l'absolu lui-même, elle n'est qu'un absolu de comparaison. Ce n'est que lorsque on aura perçu directement le mode ultime des phénomènes, où apparence et vacuité se rejoignent, que l'opposition apparente entre existence de caractéristiques propre et l'absence d'être en soi sera résolue. On touchera alors à l'absolu ultime où la connaissance transcendante véritable se manifeste. Telles sont les principales spécificités de l'école Madhyamika svatantrika.
a. Les polémiques en Inde et au Tibet
La position svatantrika domine du VIIIème au XIème siècle. Controversée au XIIème siècle à l'introduction du Madhyamika Prasangika par les Kadampa elle perd rapidement du terrain pour lui laisser place au XIVème siècle.
Elle est sévèrement critiquée par Djé Tsongkhapa (et l'école Géloupa) qui lui reproche aussi la séparation de la vérité relative (en vrai et fausse) des phénomènes et la distinction d'un absolu catégoriel.
La position svatantrika est évaluée de façon plus nuancée par l'école Sakyapa (Gorampa Sönam Sengyé) et l'école Nyingmapa (Mip'am Rinpoché). Selon ces derniers il n'y a pas de différence entre les vues svatantrika et prasangika, la supériorité du Prasangika n'étant liée qu'à l'emploi de la réduction par l'absurde au lieu du syllogisme autonome comme méthode révélant la vacuité.
b. les subdivisions de l'école Madhyamika svatantrika
Comme on a vu plus haut, dès Yéshé Dé au IXème siècle, il était question de sautantrika madhyamika et de yogakara madhyamika, ce n'est que via les manuels philosophiques tibétains et avec Djé Tsongkhapa (1357-1419) que ses sous-écoles du svatantrika indien sont clairement identifiées, dénommées et classées sous la rubrique svatantrika :
I-Les sautrantika madhyamika svatantrika :
(Tib : mDo-sde spyod-pa'i dbu-ma rang-rgyud-pa)
représentés par Bhavaviveka, adoptent le modèle sautrantika au niveau de la vérité relative. De tendance réaliste, ils admettent l'existence relative d'objets extérieurs, de par leur caractéristique propre
(sk : svalaksana - Tib : rang-mtshan). Ils réfutent l'existence d'une conscience se connaissant elle-même (sk : svasamdevana - Tib : rang-rig) et ne reconnaissent que six consciences (au lieu de huit selon les vues Nyingmapa/Dzogchen). Pour Bhavaviveka, qui n'estime guère les traités d'Asanga sur le sujet, « l'Esprit seul » (Cittamatra) n'a été enseigné par le Bouddha que de manière circonstancielle. Il refuse donc en bloc toute interprétation idéaliste de type Yogacara.
II-Les yogacara madhyamika svatantrika :
(Tib : rNal-'byor spyod-pa'i dbu-ma rang-rgyurd-pa)
représentés par Shanktarakshita, Kamalashila, Haribhadra, Jitari, Shrigupta, admettent que la vérité relative a pour nature la conscience, ainsi que Shantarakshita le déclare dans le madhyamakalankara : « ce qui se manifeste en tant que causes et effets est uniquement conscience. Tout ce qui est établi de soi-même l'est en tant que conscience. Conformément au «rien qu'esprit» (Cittamatra), sachez que le mode extérieur n'a pas de conscience. Mais, selon nous, même [l'esprit] est dépourvu d'être en soi. » (Trad. S. Aiguillère). Pour eux, les apparences « extérieures », la pensée, les objets oniriques, produits du karma et producteurs de karma, sont des apparences relativement vraies mais sans réalité extérieure.
3) Présentation du Madhyamika Prasangika
ou philosophie de la vacuité démontrée au moyen du raisonnement par l'absurde
(Tib : Thal-'gyur dbu-ma-pa) cette école née de l'oeuvre de Buddhapalita trouve sa forme définitive avec Candrakirti au VIème siècle dans la Prasannapada face à Bhavaviveka.
La particularité du Prasangika tient dans le refus d'admettre la validité des moyens de connaissance juste (sk : pramana) des logiciens, suivant l'exemple de Nagarjuna dans la Vigrahavyavartani : aucun phénomène relatif n'a de consistance ou de réalité de par ses propres caractéristiques. L'ensemble de la vérité relative est le domaine de l'illusion, qu'il s'agisse de phénomènes perçus directement ou non, efficients ou non. Donc, sans division de la réalité relative en vraie/fausse, ni validité des arguments logiques, même s'ils sont utiles et efficaces dans le domaine relatif. Car ils ne peuvent mener à eux seuls à la réalité ultime, contrairement à ce qu'affirme Bhavaviveka et les madhyamika svatantrika, jugé ici logiquement incohérents.
a. sa particularité
La méthode proposée par les Prasangika est la réduction par l'absurde (sk : prasanga - Tib : thal-'gyur) : sans présenter soi-même une proposition spécifique, on admet provisoirement l?argument de l'opposant, puis on le pousse jusqu'à ses conséquences absurdes en employant la logique (la propre logique de l'interlocuteur), ce qui entraîne la réfutation par le seul fait de l'acceptation de l'adversaire sans pour autant que l'on affirme soi-même en conclusion une quelconque opinion. Candrakirti déclare ainsi : « Il n'est pas logique qu'un madhyamika formule un syllogisme autonome parce qu'il n'admet aucune thèse particulière » (in Prasannapada XVI, 2) faisant écho à Nagarjuna : « si j'avançais une quelconque thèse, je serais en défaut. Or je n'en ai pas et suis donc sans aucune faute » (Vigrahavyavartani, 29) Les Prasangika n'ont pas de «position» philosophique à avancer et se contentent de réfuter les théories adverses. Pour cela ils emploient 4 sortes de raisons (sk : hetu – Tib : rtags) :
1·L'inférence connue d'autrui (syllogisme autonome sous forme d'inférence à 5 membres accepté par un seul adversaire) ;
2·Le raisonnement par l'absurde simple ;
3·La réduction à l'absurde par égalité de raison ;
4·Et la faute d'illégitimité due à une raison semblable à ce que l'on cherche à prouver.
Ils utilisent également 4 moyens de connaissance valide à titre provisoire, sans jamais leur accorder une véritable réalité : la perception directe, l'inférence, l'analogie et l'autorité scripturaire. Les arguments utilisés ; négatifs ou affirmatifs, décèlent des contradictions internes de la thèse de l'opposant.
Deux célèbres démonstrations de Chandrakirti :
1·Les « éclats de diamants » qui consistent à réfuter les quatre alternatives de la production des phénomènes : production à partir de soi, d'un autre phénomène, des deux à la fois et sans cause.
2·Et la réfutation du soi en sept points par l'exemple du char (Cf. anatman, non-soi ou non-âme).
A propos de la vérité relative ou conventionnelle, ils identifient le monde phénoménal à l'illusion (sk : maya ; tib : sgyu-ma) et considère toute connaissance à ce sujet comme illusoire, les Prasangika ne lui refusent pas l?efficience : dépourvus d'être en soi, les phénomènes n'existent qu'en dépendances les uns des autres, par le jeu des causes et des effets de la production dépendante (ou interdépendante). Ils ont une existence et une efficience conventionnelles, étant de simples désignations nominales (sk : prajnapti, Tib : btags-pa).
b. Le Prasangika au Tibet :
Introduit par le Maître kadampa Patsab Lotsava Nyima Drakpa au XIIème siècle, le Prasangika ne tarda pas à y supplanter l'école Madhyamika svatantrika.
Boutön Rinchen Droup (1290-1364) et à sa suite Djé Tsongkhapa et les Guéloupa ont identifié le point de vue prasangika sur la vérité relative à celui des « partisans des vues du monde » (Tib : 'jid-rtengrags-sde spyod-pa'i dbu-ma-pa) qui ne jugent pas utile d'expliquer le monde relatif illusoire autrement que selon les conventions mondaines de tout un chacun.
Ce n'est pas l'opinion des Nyingmapa tels que Longchenpa et Mip'am Rinpoché, ni de Gorampa Sönam Sengué chez les Sakyapa. Tous se considèrent Prasangika mais jugent qu'il est utile de décrire le processus d'illusion à la manière des Cittamatrin, avec le système des 8 consciences et de l'alayavijnana dépositaire des traces karmiques, sans pour autant y souscrire au niveau absolu, l'esprit lui-même étant dépourvu d'être en soi, comme tout autre phénomène. Pour eux, c'est le type de raisonnement par l'absurde qui caractérise le prasangika et non le choix d'explication du relatif. Par ailleurs, dans la réalité absolue, la grande vacuité, au-delà des élaborations mentales (Tib : Spros-bral), n'est révélée que lors de la dissolution de l'esprit conceptuel. Sagesse primordiale (Tib : ye-shes) non duelle, elle ne saurait être la simple vacuité déduite d'un raisonnement de négation absolue (Tib : med-dgag), qui n'est qu'un absolu catégoriel (Tib : rnam-grang). A ce titre, ils se rapprochent du point de vue des Svatantrika.
4) Présentation du Madhyamika Shentong
(tib : dBu-ma gzhan-stong) ou philosophie de la « vacuité intrinsèque » ou « vide d'altérité » des Jonangpa.
Inventée par le Maître tibétain Dölpopa Shrérab Gyaltsen (1292-1361) elle fut décrétée « hérétique » par les Guéloupa sous le règne du Vème Dalaï Lama. Elle compta parmi ses défenseurs l'historien Tarathana et nombre d'adeptes tantriques du Kalachakratantra.
Actuellement, depuis les écrits de Jamgön Kontrül Lodrö Thaye (XIXème siècle) et le mouvement Rimé (= non sectaire), le Madhyamika Shentong connaît sous une forme subtilement corrigée, une nouvelle vogue chez les Kagyupa et même chez certains Nyingmapa qui utilisent le point de vue prasangika de la vacuité inhérente (tib : rang-stong) comme pendant philosophique de la pratique du Kadak Trekchö et le point de vue Madhyamika shentong du « vide d'altérité » comme pendant philosophique du Lhundroup Thögal dans le Dzogchen.
a. La position philosophique du Madhyamika shentong
Il s'agit, dans l'exposé des deux réalités, d'une combinaison des vues Madhyamika avec celle des Cittamatrin sur les trois natures, et du point de vue de la réalité absolue, de la combinaison du point de vue madhyamika avec la notion de thatagathagarba telle que l'exposent l'Utaratantrasastra d'Asanga-maitreya et les soutras de la troisième roue. Les deux réalités s'articulent selon les trois natures : la réalité relative ou conventionnelle concerne « l'entièrement l'imaginaire » , simple étiquetage des phénomènes par l'esprit illusionné, et le « caractère dépendant » pareil à un rêve. Tous deux sont vides d'être en soi. Quant à la réalité absolue, il s'agit du « parfaitement établi », la nature du bouddha qui est vide d'une essence autre qu'elle-même, c'est à dire des souillures adventices.
Il y a donc superposition de la notion de vacuité du Madhyamika avec la terminologie cittamatra. Ici, la vacuité de négation absolue telle qu'elle est établie dans l'école Madhyamika Prasangika concerne uniquement les phénomènes composés et impermanents du niveau relatif. Elle est de sens provisoire car elle n'est pas « la grande vacuité » de la vérité absolue, qui est la révélation de la richesse infinie des qualités lumineuses de la nature de bouddha permanente car incomposée et présente depuis toujours chez les êtes sensibles, telle un joyau dans sa gangue.
b. la polémique tibétaine à propos du Madhyamika shentong et l'émergence du Grand Madhyamika
Ce que les auteurs géloupa et certains sakyapa comme Rendawa et Gorampa ont reproché à cette philosophie Shentong, c'est la possibilité d'une lecture éternaliste ou sempiternelle du Tahataghatagarba, sorte de vacuité substantielle où la nature de Bouddha semble préexister depuis toujours sous le voile obscurcissant de l'esprit (Tib : sems) et de ses productions, à l'image du « joyau dans sa gangue » ou de l'étoffe sous les taches qui la souille superficiellement. Dès lors, il pourrait y avoir une dérive subitiste (phobie de nombreux philosophe tibétains) faisant fi de l'accumulation de mérites et privilégiant le dévoilement de la seule sagesse pour parvenir à l'Eveil.
Par ailleurs, le mélange de concepts cittamatrin (les trois natures : imaginaire, dépendante et parfaitement établie) avec le Madyamika , bien qu'étant une interprétation possible des soutras du 2ème tour de roue (les Prajnaparamitasoutras) et du 3ème tour de roue (Tahagatagarbasoutra, Samdhirnimocanasoutra) combinés, peut sembler artificiel aux tibétains, qui sont à l'origine de cette distinction des deux dernières roues (la classification en 3 tours de roue est typiquement tibétaine).
Au XIXème siècle, les auteurs du mouvement Rimé tels que Jamgön Kontrül le Grand ont répondu ainsi à ces questions :
En vérité , Dölpopa a dit : « au cours du samadhi, seul demeure l'espace et il n'y a personne pour déclarer que le Thatagatagatagarba existe, immuable depuis toujours, tel un svastika permanent » L'expérience même de l'état naturel est spacieuse et indicible. En dehors des périodes de méditation, c'est juste pour l'évoquer que l'on dit de cette matrice d'éveil qu'elle est existante depuis toujours, inaltérable, immaculée, inébranlable comme un svastika. Par « immobile et immuable » l'auteur souligne sa nature incomposée, incréée et par conséquent inaltérable, sans pour autant en faire une substance stable ou la réifier. C'est du fait de cette nature immaculée que les bouddhas ne peuvent retomber dans la confusion.
Par ailleurs cette nature de bouddha, appelée rigpa dans la Dzogchen, n'est pas sempiternelle mais atemporelle. Ainsi donc, la nature ultime du tathagatagarba est dénuée de toute élaboration et primordialement pure, c'est à dire intrinsèquement vide. Mais elle est également vide d'altérité, c'est à dire de toute souillure adventice, et sa vacuité est en même temps luminosité incomposée. Cette luminosité ou présence spontanée recèle l'ensemble des qualités de la bouddhéité et la potentialité des kaya. Unir ainsi les écoles mahyamika rangtong et shentong, c'est exprimer la réalité ultime dans ses deux facettes.
Les récents auteurs kagyupa et nyingmapa tels que Düdjom Rinpoché nomment cette approche qui dépasse les apparentes contradictions des deux systèmes le «grand Madhyamika ».
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Si vous ne trouvez pas ce que vous cherchez, je vous propose de posez vos questions pour effectuer une recherche commune. Car il n'y a pas de hasard, si vous lisez ces lignes vous apportez sans doute un enseignement que j'ignorais jusqu'à ce jour, sur lequel il est sans doute essentiel que je devienne attentive. Le maître est toujours là, dans cette action de partage et à travers chacun d'entre nous !
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